Intérêt de la nouvelle classification des maladies parodontales dans le traitement des parodontites

INTRODUCTION

L’AAP (American Academy of Periodontology) et l’EFP (European Federation of Periodontology) se sont réunies à Chicago en novembre 2017 pour finaliser une nouvelle classification des affections parodontales et péri-implantaire, en remplacement de la classification d’Armitage (1) de 1999 jugée trop imprécise. Le tableau 1 résume les principales rubriques parodontales (hors implants) de cette classification. Nous nous intéresserons dans cet article aux parodontites. Pour une description complète de la classification, voir l’article de HELLER et Coll (3). L’intérêt de cette classification est de faire un diagnostic plus précis qui permettra de mieux prévoir les types de traitement et de mieux estimer leurs probabilités de succès.

DEFINITION CLINIQUE DE LA PARODONTITE (5)

Nous continuons à nous intéresser aux parodontites sans développer les maladies parodontales nécrosantes et/ou comme manifestations d’une maladie systémique.

La parodontite est une maladie chronique inflammatoire associée à une dysbiose du microbiote avec destruction progressive du système d’attache. Elle se manifeste par une inflammation avec perte d’attache parodontale. Elle est caractérisée par 3 facteurs :

  1. La perte des tissus de support parodontaux avec perte d’attache clinique et une perte d’os alvéolaire visible à la radio.
  2. La présence de poches parodontales
  3. Le saignement gingival.

Une des grands changements par rapport à la classification d’Armitage est la suppression des subdivisions en parodontites chroniques et agressives. Il n’y a actuellement pas suffisamment de preuves pour les considérer comme des entités pathologiques distinctes.

LE PATIENT PARODONTAL (5)

C’est essentiellement la perte d’attache clinique (PAC) qui va être le critère déterminant.

Un patient est un cas parodontal si :

  1. Il y a une PAC interdentaire détectée sur au moins 2 dents
  2. Il y a une PAC vestibulaire ou linguale/palatine supérieure ou égale à 3 mm avec une poche supérieure ou égale à 3 mm sur au moins 2 dents, sans que cette PAC ne soit liée à
  • Une récession gingivale d’origine traumatique
  • Une carie cervicale
  • Une PAC au niveau de la face distale d’une 2ème molaire suite à une malposition ou à l’extraction de la 3ème molaire
  • Une lésion endodontique se drainant à travers le parodonte marginal
  • Une fracture radiculaire marginale

Il n’est pas toujours facile de mettre en évidence une perte d’attache modérée. L’examen clinique est souvent rendu difficile par la présence de tartre, de bords marginaux inadaptés de certaines restaurations. Le sondage est également variable d’un praticien à l’autre en fonction de sa dextérité, de sa force. Il devrait être utilisé des sondes à pression constante mais cela est difficile en pratique courante. Les radiographies doivent être de bonne qualité, réalisées avec des angulateurs. L’examen devra donc être soigneux et minutieux pour ne pas passer à côté de signes de parodontite.

LE CONCEPT DE STADE ET DE GRADE (8)

Alors que le degré de destruction parodontale était le principal indicateur de la maladie, une avancée notable de cette classification est d’intégrer des facteurs additionnels.

  • La sévérité. Elle reste un indicateur mais qui n’est plus systématiquement corrélé au pronostic (il est possible de stabiliser des parodontites sévères). De plus, il est intégré la notion de dent perdue pour raison parodontale car il y avait un paradoxe à ne pas comptabiliser ces dents, faisant ainsi décroitre les indices de sévérité alors même que qu’elles sont un indice fort de l’importance de l’atteinte.
  • La complexité du traitement. Un certain nombre de facteurs vont rendre le traitement plus complexe :
  • La profondeur de sondage
  • Le type de perte osseuse (verticale et/ou horizontale)
  • Les atteintes de furcations
  • Les mobilités dentaires
  • Les dents manquantes
  • L’effondrement occlusal
  • La taille des crêtes osseuses résiduelles
  • L’étendue. Le nombre (plus ou moins de 30%) et la localisation (molaires, incisives) est un critère existant qui a été conservé.
  • La vitesse de progression. Cet important facteur est parfois difficile à apprécier en l’absence d’éléments antérieurs
  • Les facteurs de risque. (Tabac, stress, diabète, sévérité/âge)
  • Les interrelations avec la santé générale. Les parodontites peuvent avoir des conséquences sur certaines pathologies (diabète, maladies inflammatoires, problèmes cardio-vasculaires).

Pour intégrer toutes ces notions, un système de classement par stades et grades a été mis en place.

LES STADES

Ils vont permettre de classer la sévérité ainsi que l’extension et la distribution des lésions.

Tableau 1. Les stades de la parodontite (d’après Tonetti et coll. 2018)

Ils vont permettre de classer les risques de progression de la maladie, la probabilité d’une plus au moins bonne réponse au traitement, les interactions possibles avec la santé générale. Cette classification met très nettement l’accent sur les facteurs qui influencent la parodontite indépendamment du niveau des atteintes. Le tableau 3 résume ces grades. Il est amené à évoluer, en particulier en intégrant des examens spécifiques comme par exemple pour l’inflammation ou en utilisant des marqueurs de la perte osseuse au fur et à mesure des avancées scientifiques.

IMPLICATIONS CLINIQUES DE LA CLASSIFICATION (8)

L’intérêt majeur de cette classification est de guider le clinicien dans le diagnostic et dans la prise de décision. Des arbres décisionnels aident à cette démarche (9).

Le stade 1

Il correspond à une parodontite débutante. C’est un véritable challenge pour le praticien généraliste qui aura parfois du mal à le dépister du fait de facteurs locaux (présence de tartre par exemple). La sonde parodontale reste l’outil principal de détection mais la radiographie constitue une aide appréciable. Plus le diagnostic sera fait tôt, plus la probabilité de stabilisation est importante. Le traitement sera prophylactique (personnel et professionnel). La détermination du grade influera sur l’attention qui sera donnée au suivi.

Le Stade 2

Il correspond à une parodontite modérée. Les dégâts sont plus nets mais le traitement reste plus simple avec la aussi une prophylaxie personnelle et professionnelle. Le suivi et les réévaluations seront importantes pour évaluer la réponse au traitement surtout en présence d’un grade C. (7)

Le stade 3

Il correspond à une parodontite sévère. Des pertes dentaires supplémentaires peuvent survenir en l’absence de traitement. Là encore, des mesures de prophylaxie individuelle sont mises en place ainsi qu’un traitement initial non chirurgical, mais il faut souvent compléter ce traitement par des techniques chirurgicales. (6)

Le stade 4

Il correspond à une parodontite avancée qui, sans traitement peut conduire à un édentement complet. Le traitement sera bien sûr une prophylaxie individuelle mais aussi professionnelle avec des séances de débridement et aussi très probablement des phases chirurgicales. Cela devra être associé à un plan de traitement global multidisciplinaire (endodontique et/ou restaurateur et/ou prothétique et/ou orthodontique et/ou implantaire).

EXEMPLE CLINIQUE

Patient de 64 ans

Motif de la consultation : saignements au brossage

  • Le sondage met en évidence des poches allant jusqu’à 7 mm sur les secteurs inter proximaux molaires ainsi qu’entre 32.33 et 23.24. La perte d’attache est de plus de 5 mm sur ces secteurs.
  • Il existe une alvéolyse entre 15 et 30% sur les secteurs molaires (la zone d’alvéolyse entre 12 et 14 n’est pas prise en compte car due à l’extraction de la 13 incluse et à la présence d’une résorption interne.
  • Il n’y a pas de dents perdues pour raisons parodontales
  • Il y a des AIR de classe 2 proximales
  • Le patient consultant pour la première fois et n’ayant pas de documents radiographiques préalables, il n’est pas possible de faire un comparatif pour voir l’évolution. Cependant la perte d’os par rapport à l’âge est entre 0,25 et 1% (4 mm pour 64 ans)
  • La quantité de plaque est en adéquation avec les lésions observées
  • Il n’y a pas de facteurs de risque (pas de tabac, pas de pathologies générales, pas d’antécédents familiaux)

Le diagnostic est celui d’une parodontite localisée de stade 3 et de grade B.

Le traitement consistera donc en une mise en place de techniques de contrôle de plaque efficaces, des séances de débridement et après réévaluation des traitements chirurgicaux éventuels.

Certains logiciels permettent de collecter et de synthétiser les éléments du bilan parodontal (perioSystem®, logosW® par exemple)

Diagnostic du cas clinique résumé sur LogosW®

CONCLUSION

Le premier reflexe est d’être rebuté par le côté « usine à gaz » de cette classification. Mais, une fois analysée et « décantée », elle apporte de nombreux avantages. Elle amène en effet à se poser des questions simples et précises (voir les arbres décisionnels de TONETTI et SANZ) qui obligent à avoir des réponses claires et qui aident ainsi à l’établissement d’un diagnostic précis. Plus le diagnostic sera fin et plus les facteurs de risques seront dépistés, plus la réponse thérapeutique pourra être adaptée. Elle est de plus un outil de communication entre professionnels car, même si une courbe d’apprentissage est nécessaire, une fois bien maîtrisée, elle est reproductible d’un praticien à l’autre (4).

Vous avez aimé cet article ? 
Approfondissez la thématique en suivant la formation du Drs Yves ESTRABAUD & Astrid BALLARD : Parodontologie non chirurgicale

 

BIBLIOGRAPHIE

  1. ARMITAGE GC. Development of a classification system for periodontal diseases and conditions. Ann Periodontol. 1999 ;4 :1–6.
  2. CATON JG, ARMITAGE G, BERGLUNDH T, CHAPPLE IL, JEPSEN S, KORNMAN KS, et al. A new classification scheme for periodontal and peri-implant diseases and conditions – Introduction and key changes from the 1999 classification. J Clin Periodontol. 2018 ; 45 : S1–8.
  3. HELLER G., BONAFE A., GIBERT P., ORTI V. : Classification des maladies et des affections parodontales et péri-implantaires. EMC – Médecine buccale. 2020: 1-15 [Article 28-232-D-10]
  4. MARINI L, TONETTI MS, NIBALI L, et al. The staging and grading system in defining periodontitis cases: consistency and accuracy amongst periodontal experts, general dentists and undergraduate students. J Clin Periodontol. 2021;48:205–215.
  5. PAPAPANOU PN, SANZ M. Periodontitis: consensus report of Workgroup 2 of the 2017 world workshop on the classification of periodontal and peri-implant diseases and conditions. J Periodontol. 2018; 45 (Suppl. 20). S162-S170.
  6. SANZ-SANCHEZ I, MONTERO E, CITTERIO F, ROMANO F, MOLINA A, AIMETTI M. Efficacy of access flap procedures compared to subgingival debridement in the treatment of periodontitis. A systematic review and meta-analysis. J Clin Periodontol. 2020;(Suppl. 22):282–302.
  7. SUVAN J, LEIRA Y, MORENO F, GRAZIANI F, DERKS J, TOMASI C. Subgingival instrumentation for treatment of periodontitis. A systematic review. J Clin Periodontol. 2020 ;47 :155–175.
  8. TONETTI MS, GREENWELL H, KORNMAN KS. Staging and grading of periodontitis: framework and proposal of a new classification and case definition. J Clin Periodontol. 2018 ; 45 : S149–61.
  9. TONETTI MS, SANZ M. Implementation of the new classification of periodontal diseases: Decision‐ making algorithms for clinical practice and education. J Clin Periodontol. 2019; 46:398–405.

À propos des auteurs

Dr Yves ESTRABAUD
Docteur en Chirurgie Dentaire
Dr Astrid BALLARD BOUTAULT
Docteur en chirurgie dentaire

Dernière mise à jour le 13 février 2024