Les empreintes implantaires en questions

La prise d’empreinte des implants diffère de la prise d’empreinte conventionnelle en prothèse fixée. Un accastillage spécifique est nécessaire et, par conséquent, une organisation rigoureuse au sein du cabinet s’impose. La bonne compréhension du déroulement de l’empreinte et la connaissance des pièces implantaires nécessaires permettront à l’assistant(e) dentaire de préparer au mieux la séance, parfois source de stress et de questions. Dans cet article ne seront évoquées que les empreintes implantaires physico-chimiques.

Quels sont les critères de succès d’une empreinte en prothèse fixée ?

Il existe deux familles d’empreinte en prothèse fixée : les empreintes physico-chimiques (avec des produits dont la réticulation intervient en bouche), et les empreintes optiques qui nécessitent un scanner intraoral (voir article p. 12).

L’empreinte en prothèse fixée peut intéresser deux types de supports : les éléments dentaires ou les implants. Dans les deux cas, elle doit enregistrer l’intégralité des éléments dentaires (faces occlusales, dents collatérales), les zones de crêtes édentées, ainsi que le vestibule. Le matériau doit être soutenu en tout point par le porte-empreinte, sous peine de déformation lors du retrait ou de la coulée. La présence de bulles ou de manques, particulièrement au niveau des zones de préparation ou autour des implants, impose une réfection.

L’empreinte des dents naturelles doit principalement enregistrer la différence entre la zone préparée et la zone non préparée de la dent (la limite cervicale) (fig. 1), alors que l’empreinte implantaire doit renseigner la position tridimensionnelle de celui-ci (fig. 2). Dans les deux cas, les critères de succès sont intimement liés à la précision et la stabilité dimensionnelle des matériaux.

Quelles sont les spécificités de l’empreinte implantaire ?

À la différence des empreintes sur dents naturelles, les empreintes sur implants nécessitent des pièces spécifiques : l’accastillage implantaire (fig. 3). Chaque marque implantaire aura son accastillage propre, adapté à l’implant ou aux implants présents en bouche. Il est bien sûr possible de rencontrer plusieurs marques d’implants dans une même bouche ; ce qui augmentera les pièces nécessaires.

Pour mener une empreinte implantaire, il faut, en premier lieu, un tournevis pour manipuler les différentes pièces. Il en existe de plusieurs tailles, en fonction de l’ouverture buccale des patients. Le deuxième élément est le transfert d’empreinte ; cette pièce spécifique sera connectée à l’implant en bouche avant l’empreinte.

Enfin, pour simuler la position de l’implant sur le modèle de travail, il faut également un analogue ou réplique d’implant. L’analogue est connecté au transfert après la prise d’empreinte avant la coulée. Bien entendu, il faut autant de transferts et d’analogues qu’il y a d’implants en bouche.

Les pièces d’accastillages sont pour la plupart réutilisables, sauf si elles sont à usage unique (il s’agit alors de pièces non métalliques qui ne sont pas autoclavables). Selon la littérature, une dizaine d’utilisations des transferts et analogues est possible. Toutefois, une usure se produit au fur et à mesure des utilisations sur toutes ces pièces (les tournevis y compris) et un renouvellement s’impose (fig. 4). Avant chaque empreinte, l’assistant(e) dentaire doit vérifier que l’ensemble des pièces d’accastillage est à disposition au cabinet, sinon il faut les commander ! La mise en place de check-lists au sein du cabinet facilite la gestion du stock de ces pièces, et diminue les risques de manques ou d’erreurs de pièces implantaires (fig. 5).

Afin que les plus petites pièces ne glissent ou n’échappent pas des mains, il existe des instruments adaptés pour les manipuler, comme des précelles avec des extrémités antidérapantes (fig. 6). Il est également possible de réaliser un « parachute » avec du fil dentaire autour des tournevis pour éviter les risques d’ingestion ou d’inhalation des tournevis ou des pièces d‘accastillage (fig. 7).

Quelles sont différentes techniques d’empreintes implantaires ?

Classiquement, l’empreinte implantaire est dite à ciel ouvert ou à ciel fermé. Cette distinction fait référence au porte-empreinte qui sera plein ou fenestré en regard des implants. Une troisième solution, hybride, est l’empreinte clipsée.

Les empreintes « en mordu » ne sont pas adaptées à la prothèse implantaire, les transferts pouvant interférer avec l’occlusion et empêchant la fermeture des arcades. Les empreintes implantaires ne seront effectuées qu’avec des porte-empreintes d’arcade complète. Une empreinte de l’arcade antagoniste aux alginates sera donc nécessaire.

L’empreinte à ciel ouvert

Comme son nom l’indique, cette technique requiert un porte-empreinte ouvert en regard du ou des implants. Le plus simple est d’en employer un jetable du commerce que l’on va fenestrer en regard des implants, ou un porte-empreinte individuel (PEI) confectionné au laboratoire de prothèse et ajouré en regard des éléments à enregistrer. Le recours à un PEI nécessite une étape préalable d’empreinte primaire sur laquelle il sera fabriqué (fig. 8).

Le praticien retire les vis de cicatrisation des implants et y visse les transferts. Des radios viennent confirmer la bonne adaptation de ces derniers sur les implants (fig. 9). Le porte-empreinte est essayé, afin de vérifier qu’il n’interfère pas avec les transferts, puis encollé avec de l’adhésif. Après son insertion, il faut dégager l’extrémité des transferts pour pouvoir les dévisser après la prise complète du matériau. En effet, la désinsertion n’est possible que lorsque tous les transferts sont dévissés, ceux-ci étant emportés dans l’empreinte (fig. 10-12).

L’empreinte à ciel fermé

Cette technique ne nécessite pas de porte-empreinte particulier (des pleins métalliques de type Rim Lock suffisent), et à la différence de la première technique le transfert va rester vissé sur l’implant à la fin de l’empreinte. Elle se rapproche ainsi d’une empreinte dentaire classique.

Ici aussi le praticien retire les vis de cicatrisation des implants et y visse les transferts avant de faire les radiographies de contrôle. Une fois le porte-empreinte essayé et encollé, l’empreinte est conduite classiquement. Après désinsertion, le transfert d’empreinte reste en bouche, il n’est dévissé qu’une fois l’empreinte retirée (fig. 13-15).

L’empreinte clipsée (fig. 16, 17)

Cette empreinte est un mélange des deux techniques précédentes : le transfert est clipsé sur l’implant, l’empreinte est conduite à ciel fermé, mais le transfert est emporté dans l’empreinte. Le plus souvent, ces transferts sont en plastique et, par conséquent, non radio-opaques ; ce qui ne permet pas de vérifier sa parfaite insertion à l’aide de radiographies.

Quelle que soit la technique, une fois l’empreinte réalisée, les transferts ne sont plus sur les implants et il faut y replacer les vis de cicatrisation. Des séquenceurs existent afin de ne pas les mélanger et de les laisser dans une solution désinfectante le temps de l’empreinte.

Comment replacer les analogues dans l’empreinte ?

Pour les empreintes à ciel ouvert et clipsées, le transfert est prisonnier du produit. L’analogue est vissé ou clipsé dans l’empreinte sur le transfert correspondant en veillant à ne pas le faire tourner (fig. 18).

Pour les empreintes à ciel fermé, le transfert qui a été retiré de la cavité buccale est vissé à son analogue et cet ensemble est replacé dans l’empreinte ; les méplats du transfert guidant l’insertion (fig. 19-23).

Quels sont les matériaux à utiliser ?

L’empreinte implantaire ne peut se faire qu’en un temps, avec un ou plusieurs matériaux. Les matériaux les plus adaptés sont les polyvinylsiloxanes (silicones) ou les polyéthers (Impregum – 3M, par exemple) (fig. 24).

L’emploi de silicones est possible en double mélange (deux matériaux de viscosités différentes : un light et un putty qui polymérisent ensemble en bouche) ou en monophase (un seul type de matériau de viscosité assez forte) (fig. 25, 26). Les empreintes en deux temps (empreinte en wash technique ou empreinte rebasée) ne s’appliquent pas aux empreintes implantaires.

L’emploi des polyéthers est le plus souvent en une seule viscosité (monophase).

Ces deux familles de matériaux possèdent un adhésif spécifique à placer sur le porte-empreinte avant la prise d’empreinte.

En double mélange, le light est injecté en bouche autour du transfert et sur les surfaces occlusales pour obtenir une précision des détails ; le putty est déposé dans le porte-empreinte et donne corps à l’empreinte (sa rigidité évite les déformations).

En monophase, une partie du produit (polyéther ou silicone) est injectée autour du transfert pour éviter des bulles ou des manques de produit, le reste est déposé dans le porte-empreinte. Il est possible d’enregistrer dans une même empreinte des préparations sur dent et sur implants (fig. 27).

Quels traitements apporter à l’empreinte ?

Une fois l’empreinte retirée de la bouche du patient, la première étape de traitement est un rinçage abondant à l’eau du robinet pendant 15 secondes (fig. 28). Cela élimine la majeure partie des bactéries (90 % environ) et des débris éventuels. Ce rinçage n’est bien sûr pas suffisant pour la décontaminer ; il est impératif d’appliquer une solution désinfectante.

Le traitement des silicones et polyéthers est possible par pulvérisation (fig. 29) (l’empreinte est traitée par un spray de produit désinfectant) ou par immersion (elle est immergée en solution) (fig. 30). Cette étape est nécessaire pour limiter tout risque de contamination croisée, que ce soit au sein du cabinet ou au laboratoire de prothèse.

Ensuite, la découpe des matériaux non soutenus par le porte-empreinte (à l’aide d’un couteau à élastomère ou d’un bistouri, par exemple) évite toute déformation pendant le transport (fig. 31, 32).

Enfin, la protection de l’empreinte dans une boîte rigide pendant le transport évite des contraintes importantes sur les analogues, pour ne pas déchirer ou forcer sur l’empreinte (fig. 33).

Une fois l’empreinte traitée au laboratoire, les transferts peuvent être recyclés : ils sont retirés méticuleusement, puis soumis au cycle complet de décontamination/désinfection/stérilisation. Ils sont conservés en sachets stériles et rangés avant de pouvoir resservir.

Conclusion

Comme pour la plupart des actes et séances de soins au cabinet, une bonne connaissance des techniques, produits et matériaux permet à l’équipe de s’organiser et de préparer au mieux le rendez-vous. En implantologie, la gestion du stock et l’anticipation des commandes sont essentielles compte tenu de la multitude des systèmes implantaires disponibles et des pièces propres à chacun. Il faut également prendre en compte les délais de livraison de l’accastillage. Sans les transferts et analogues adaptés, l’empreinte est impossible et la séance doit être reportée. La coordination de l’équipe praticien-assistante et la communication sont, comme toujours, la base des séances afin de prendre en charge au mieux les patients

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Prothèse sur implant

Bibliographie

  1. Ardouin JL, Bourgeois T, Chalard F. L’empreinte en prothèse implantaire. Synergie prothétique 2001, 3 (3) : 217-26.
  2. Degorce T. L’empreinte en prothèse fixe implantaire. Stratégie Prothétique 2002 ; 2 (3) : 191-217.
  3. Degorce T. Empreinte implantaire et empreinte de prothèse fixée, quelles différences ? Stratégie prothétique 2005 ; 5 (1) : 41-7.

À propos des auteurs

Dr Jérémie PERRIN
Docteur en chirurgie dentaire

  • Prothèse sur implant

    Réalisation de prothèses implantaires de l’empreinte à la maintenance
    • Programme intégré
    • Action DPC 99F92325003
    • 14 h en E-learning
    • 100% pris en charge (1032 €)

Dernière mise à jour le 13 février 2024