La Dimension Verticale d’Occlusion en 2023 : cadre décisionnel

Éternel serpent de mer de la dentisterie prothétique, la Dimension Verticale d’Occlusion agite encore plus de nos jours les esprits odontologiques. Nous voyons exploser les présentations de reconstructions globales de sujets présentant des usures occlusales à grands coups de « remontée de DV », avec souvent un seul mot à la bouche : « Esthétique. » Derrière la façade vestibulaire des dents antéromaxillaires, tellement présente dans le sourire, se cache le lieu réel de l’affrontement occlusal. C’est l’application des contraintes occlusales et/ou musculaires qui peut mettre en danger les traitements prothétiques. Après avoir apporté des précisions de langage, des définitions des Dimensions Verticales, une clarification sur les possibilités de variations de la Dimension Verticale d’Occlusion, cet article a pour objectif de proposer un rationnel de décision à partir des vrais critères de choix de la Dimension Verticale d’Occlusion thérapeutique.


La Dimension Verticale d’Occlusion (DVO) représente la hauteur de la partie inférieure du visage, le mouvement de fermeture étant stoppé par la rencontre des dents en Occlusion d’Intercuspidie Maximale (OIM). Au cours de la croissance et par la suite chez l’adulte, cette hauteur est le résultat d’un équilibre entre des forces antagonistes : le développement osseux, les forces éruptives des dents et les pressions occlusales (fonctionnelles ou parafonctionnelles) résultant des confrontations occlusales.

 

Évaluation, enregistrements et variations de DVO font partie des questions les plus courantes dans la vie quotidienne de la dentisterie prothétique. C’est aussi l’un des sujets les plus souvent abordés lors des congrès ou dans la littérature, avec des avis multiples et parfois très divergents. Depuis environ un demi-siècle, nous disposons de données claires pour proposer des définitions consensuelles et des protocoles opératoires simples dans la pratique quotidienne. L’objectif de cet article est de proposer une clarification des principes régissant la problématique de la DVO, principes qui pourraient être partagés par le plus grand nombre et servir de base aux décisions cliniques.

 

I. Face et Dimensions Verticales

Pour se faire comprendre, il faut commencer par des définitions utilisant des mots simples, au sens partagé, en s’accordant sur leur signification. La force des habitudes peut parfois l’emporter sur le sens étymologique réel : peu importe, le but est d’être compris par le plus grand nombre.

 ❝Au cours de l’ontogenèse humaine individuelle, vers la fin de leur processus de maturation, les dents en éruption stabilisent une distance distincte entre le maxillaire et la mandibule que nous appelons la Dimension Verticale (DV) du visage.

I-1. Face et Visage

Portée par la colonne cervicale, la tête est constituée du crâne et de la face qui lui est appendue. Au niveau de la partie antérieure de la tête, on distingue la face dans le visage (fig. 1).

I-1.1. Visage

Étymologiquement, le mot vient de l’ancien français vis et du latin visus (aspect). Il s’agit de la partie antérieure de la tête, située entre la ligne d’insertion antérieure des cheveux et le menton. Elle se décompose en trois étages (supérieur, moyen et inférieur), dont les deux derniers constituent la face. En anglais, dans le langage courant, il ne semble pas exister de différence entre visage et face, les deux se traduisant par face, mais on peut traduire « visage » par full-face.

I-1.2. Face

Le terme vient du latin facies (face). Il s’agit de la partie antérieure de la tête située entre la tangente supérieure aux sourcils (Ophryon) et le point menton. La face se décompose en deux étages (supérieur et inférieur) délimités par le point sous-nasal (repère cutané) ou l’épine nasale antérieure (repère osseux). L’étage inférieur est lui-même divisé en deux par la ligne commissurale passant par le stomion (St) et les deux commissures labiales, une portion maxillaire (1/3) et une portion mandibulaire (2/3).
Ophryon est le point cutané du crâne, dit point susnasal, situé sur le milieu de la ligne susorbitaire ou sourcilière, marquant la limite antérieure du cerveau, c’est-à-dire la séparation du crâne facial et du crâne cérébral.

I-2. Dimensions verticales

Il existe plusieurs Dimensions Verticales, mais une seule Dimension Verticale d’Occlusion (DVO). On distingue ainsi la DVO, la Dimension Verticale de Repos (DVR) et la Dimension Verticale en Relation Centrée (DVRC).

I-2.1. Dimension Verticale d’Occlusion (DVO)

La Dimension Verticale d’Occlusion (DVO) représente la hauteur de l’étage inférieur de la face mesurée entre deux repères (par exemple : points Sous-nasal et Menton), lorsque les arcades sont en Occlusion d’Intercuspidie Maximale (OIM) [1].

I-2.2. Dimension Verticale de Repos (DVR)

La DVR correspond à la hauteur de l’étage inférieur de la face mesurée entre deux repères, lorsque la mandibule est en posture de repos ou en posture d’inocclusion physiologique [1].
L’Espace Libre d’Inocclusion (ELI) correspond à la distance entre les surfaces occlusales maxillaires et mandibulaires quand la mandibule est en posture de repos. C’est la différence entre la DVO et la DVR.
De nombreux auteurs, font état de l’absence de reproductibilité des évaluations de la DVR (clinique ou électromyographique), de la grande variabilité de l’espace libre et de sa large adaptabilité aux variations de la DVO [2, 3]. La meilleure preuve est la grande tolérance que l’on observe avec les patients porteurs d’une gouttière occlusales qui, par définition, empiète sur l’espace libre initial.
Ainsi, DVR et ELI n’ont aucune crédibilité pour aider à la détermination de la Dimension Verticale d’Occlusion thérapeutique.

I-2.3. Dimension Verticale en Relation Centrée (DVRC)

Il existe très souvent, naturellement un différentiel entre OIM et Occlusion en Relation Centrée (ORC). Dans ce cas, lors du mouvement axial terminal, les condyles étant en relation centrée, le mouvement de fermeture est arrêté par une prématurité occlusale sur laquelle la mandibule reste « perchée », matérialisant ainsi la Dimension Verticale en RC. (fig. 2).

II. Dimension Verticale d’Occlusion : Varia


II-1. Modification de la DVO : rotation autour de l’axe charnière

Relation centrée et DVO sont intrinsèquement liées par le mouvement axial terminal, lequel correspond à la rotation de la mandibule autour de l’axe charnière bicondylien [1]. Il correspond en moyenne à une possibilité d’ouverture en rotation de 10 à 20° [4, 5].

Cette rotation dite « pure » représentait la « providence du Chirurgien-Dentiste » [6] car, non seulement elle assure une position condylienne stable donc reproductible, mais elle permet également l’abaissement et l’élévation mandibulaire, autorisant l’introduction de cire pour son enregistrement. De fait, ces mouvements d’abaissement ou d’élévation représentent des variations de la DVO [7]. Les variations de DVO se font à « centrage constant » (sans variation des centrages condyliens) ; elles auront un impact direct sur les fonctions occlusales de calage et de guidage. Remarquons qu’une variation de la DVO peut être réalisée, les condyles n’étant pas en Relation Centrée dans certains traitements en antéposition (fig. 3).
Les variations de la DVO se font en mouvement axial terminal (autour de l’axe charnière bicondylien), les condyles étant en Relation Centrée.

II-2. Modification de la DVO : valeur angulaire et valeurs linéaires

Une modification de DVO correspond à une variation angulaire autour de l’axe charnière, elle est donc évaluée en degré. Si cette valeur angulaire est identique quel que soit le secteur dentaire (antérieur ou postérieur), la correspondance linéaire, évaluée en millimètres, est différente selon le secteur dentaire concerné, d’après le rapport trigonométrique : H = α * D (où H est la variation millimétrée de la DVO et D la distance entre le point condylien et la dent concernée). Les valeurs linéaires (millimétrées) intéresseront directement le clinicien, par leur transposition sur les valeurs de la tige antérieure de l’articulateur matérialisant la règle des tiers (cf. infra) (fig. 4).
Les variations de la DVO s’effectuent autour de l’axe de rotation bicondylien définissant un angle de rotation. Parler de Dimension Verticale postérieure et de Dimension Verticale antérieure introduit des éléments de confusion incohérents avec la réalité géométrique. Il existe une seule Dimension Verticale d’Occlusion, l’ensemble mandibulaire étant une pièce unique tournant autour de l’axe charnière. En revanche, la variation angulaire génère des déplacements linéaires différents suivant que la mesure est faite au niveau molaire ou au niveau incisif. Mais la distinction des notions de Hauteur Verticale Postérieure (HVP) et de Hauteur Verticale Antérieure (HVA) a une cohérence clinique importante (fig. 5).

II-3. Qu’est-ce qu’une perte de Dimension Verticale d’Occlusion ?

Il est nécessaire de comprendre la typologique squelettique faciale naturelle du patient pour différencier face naturellement courte et perte de DVO. Il sera également essentiel de ne pas confondre perte de calage postérieur et perte de DVO.

II-3-1. Différencier face naturellement courte et perte de DVO

La morphologie squelettique de la face influence notre analyse de la Dimension Verticale du sujet. Le dolichocéphale présente un basicranium long et étroit à angle de la base du crâne ouvert. Le développement a conduit de manière caractéristique à un schéma facial allongé antéropostérieurement et verticalement (face longue) ; il a une tendance plus fréquente à la rétromandibulie. Un basicranium plus fermé (brachycéphale) est caractérisé par une configuration faciale proportionnellement plus large, mais plus courte (face courte). Le brachycéphale présente une flexion basicrânienne plus fermée et un complexe nasomaxillaire plus court mais plus large [8].

Les facteurs génétiques peuvent être aggravés par des comportements dysfonctionnels. Par exemple, une ventilation orale générant des dents très souvent entre-ouvertes favorisera l’égression des dents postérieures et donc une face longue. À l’inverse, un fréquent bruxisme de serrement, dès l’enfance, limitera l’égression des dents, générant une face courte. On observe ainsi des typologies verticales différentes qui pourraient être interprétées comme une DVO augmentée dans la face longue ou une DVO diminuée dans la face courte, alors qu’il s’agit de situations naturelles résultant de la combinaison de facteurs génétiques et de facteurs fonctionnels (fig. 6).

En fait, la DVO du sujet peut-être naturellement basse ou haute selon ces combinaisons. En toute logique, on s’interdira d’aggraver une typologie naturelle marquée. Quand c’est possible sans surtraitement, on cherchera plutôt à compenser de la typologie verticale naturellement excessive Dans ce domaine, l’analyse céphalométrique est pertinente pour évaluer la typologie squelettique du patient.

Les types de croissance en rotation antérieure caractérisent des sujets hypodivergents, donnant des faces « courtes » en rapport avec une DVO naturellement faible. Il ne faut donc pas confondre une face naturellement « courte » avec une perte de DVO.

II-3-2. Différencier perte de calage postérieur et perte de DVO

Sur le thème de la modification thérapeutique de la DVO, nous retrouvons dans la littérature des opinions aussi opposées que souvent peu justifiées où il serait pour certains dangereux de diminuer la DVO et, pour d’autres, risqué de l’augmenter. Si dans le passé, l’idée selon laquelle les Dysfonctionnements Temporo-Mandibulaires (DTM) seraient corrélés à la perte de DVO a souvent été entretenue, c’est vraisemblablement en raison de la fréquente confusion entre perte de DVO et perte de calage postérieur [9] (fig. 7, 8, 9).

  • La « perte » ou diminution de la DVO correspond de fait à une rotation mandibulaire anti-horaire (vue en profil droit), autour de l’axe charnière en Relation Centrée. Le mouvement de rotation étant parfaitement physiologique au niveau de l’ATM, il ne crée aucune contrainte au niveau articulaire.
  • La perte de calage postérieur correspond au contraire à une rotation mandibulaire postérieure, horaire, autour d’un point de rotation situé au niveau occlusal de la dent terminale ; cette situation expose potentiellement l’ATM à des contraintes compressives [4]. Il faut noter que ce concept est tempéré par le contrôle proprioceptif au niveau musculo-articulaire qui inhibe largement les contractions intenses en l’absence de point d’appui occlusal postérieur [10]. Le comportement du sujet, bruxeur ou non, jouera alors probablement un rôle déterminant dans le risque de surcharge articulaire ou non.

III. DVO céphalométrique

Les moyens d’évaluation de la DVO d’un patient sont généralement très empiriques, se basant sur des impressions cliniques comme l’aspect esthétique du profil dont le niveau de précision est d’environ 5 mm. Dans ce flou, la céphalométrie est apparue comme une approche plus scientifique. La céphalométrie prothétique a été initialement proposée timidement pour définir la Dimension Verticale d’Occlusion (rapport de WYLIE, 1944), puis pour définir le plan d’occlusion [11]. Utilisant ce moyen assez simple, peu irradiant, peu coûteux, de nombreux travaux ont depuis abordé l’évaluation de la DVO, à la fois sur la proportion des étages de la face et sur des mesures angulaires.

La DVO céphalométrique est classiquement mesurée par l’angle de la hauteur faciale inférieure entre les points : Épine nasale antérieure (ENA), point Xi de Ricketts et Point Pm ou Supragogonion. Ricketts montrait originellement un angle moyen de 47° ± 4 [12], alors que Slavicek obtient, sur 1900 sujets adultes, une moyenne de 43,6° ± 5,7 [13]. Pour Orthlieb [8], la valeur moyenne est de 43,4° avec un écart-type de 5,7. Cette dernière étude précise les valeurs moyennes pour chaque catégorie et sous-catégorie squelettique, par exemple 40,9° pour les hypodivergents et 46,6° pour les hyperdivergents [7] (fig. 10).

Une approche simple réside dans l’utilisation d’une table (fig. 11) permettant d’obtenir une estimation de l’angle ENA-Xi-pm à partir de la valeur de l’arc mandibulaire et de l’angle goniaque (mesurés sur la téléradiographie du sujet). On moyennera les deux valeurs proposées. Malgré son aspect mathématique, utilisant des chiffres, la céphalométrie n’est pas une science exacte ; elle ne donnera qu’un niveau de précision d’environ 3 mm (au niveau incisif). Néanmoins, à défaut d’établir une valeur exacte au millimètre de la correction à envisager, elle permettra d’indiquer la direction (augmenter ou diminuer) d’une éventuelle correction thérapeutique. En résumé, la problématique la plus fréquente visera à éviter d’aggraver une classe 2 ou une hyperdivergence.

IV. DVO thérapeutique

4-1. Indications des modifications de la DVO

La DVO n’est pas une valeur exacte au millimètre près

La revue de la littérature montre que, d’un point de vue clinique, il n’y a pas une DVO immuable, mais plutôt une plage de DVO possibles, appelée zone de confort [14]. Le but n’est pas de retrouver la DVO initiale du patient, mais de définir une nouvelle DVO répondant aux critères esthétique, mécanique et biologique pour la reconstruction envisagée.

Usure occlusale n’implique pas forcément perte de DVO

Les usures occlusales ne signifient généralement pas « perte de DVO », sauf si elles sont, chez un sujet jeune, associées à d’importantes pertes de substance par abrasion, érosions ou édentements ; sinon il existe des égressions compensatrices naturelles, phénomène souligné dès 1938 [15, 16].

Une variation de DVO impose reconstruction occlusale globale en RC

Une modification de la DVO a un impact lourd sur l’étendue du traitement dentaire puisque toute l’interface occlusale sera concernée, avec une position mandibulaire de référence qui sera obligatoirement la Relation Centrée puisque l’OIM sera complètement modifiée. La modification prothétique de la DVO n’est envisagée que si de nombreuses reconstructions dentaires sont intrinsèquement nécessaires du fait de l’état des dents. Face à des dents globalement saines, un traitement orthodontique sera éventuellement indiqué avec ou non variation de la DVO. Ces décisions doivent donc reposer sur les éléments forts, concrets, c’est-à-dire que toute forme de surtraitement est formellement à éviter.

Diminuer la DVO est rare

Si les diminutions de DVO sont fréquentes dans le traitement par chirurgie-orthognathique des hyperdivergences importantes, la diminution prothétique de la DVO est bien moins fréquemment indiquée que l’augmentation. On retiendra :

  • certains cas d’anomalies squelettiques telles que l’excès vertical ou la béance antérieure ;
  • la nécessité, parfois, de remplacer des prothèses existantes ayant créé une surélévation verticale inappropriée esthétiquement ou fonctionnellement [17, 18].

Principales indications de modification la DVO

– Harmoniser l’esthétique dentofaciale.

– Prévoir un espace suffisant (hauteur coronaire) pour le matériau de restauration, la résistance et la stabilisation prothétique.

– Optimiser les relations occlusales des dents antérieures pour favoriser le guidage.

 

4-2. Critères de choix de la DVO

4-2.1 Les vieilles lunes

À propos de la Dimension Verticale d’Occlusion, quelques vieilles croyances, non fondées mais souvent évoquées : « surélever la DVO serait dangereux »,« diminuer la DVO comprimerait l’ATM », « posture de repos et espace libre seraient des référentiels stables »,« les tests phonétiques seraient reproductibles »,« les étages inférieur et supérieur de la face seraient égaux », « les variations de DVO devraient être réalisées progressivement », « il faut tester l’augmentation de la DVO par le port d’une gouttière occlusale ». Tous ces pseudo-principes devraient être tempérés dans nos mémoires et nos enseignements.

4-2.1 Les vrais critères de décision

L’esthétique n’est certainement pas le seul critère de décision. Concernant la DVO thérapeutique, les véritables critères qui influenceront réellement notre choix seront :

  • hauteur prothétique disponible ;
  • relation occlusale antérieure : surplomb et recouvrement incisifs.

Après ces deux critères principaux, on vérifiera, pour le patient concerné, la concordance de critères secondaires ;

  • ATM (adaptable ou fragilisée par un processus arthrosique) et coordination neuromusculaire (sujets âgés, dysesthésie occlusale) ;
  • typologie squelettique et morphologie de la mandibule ;
  • esthétique dentofaciale.
4-2.1.1 La hauteur disponible

La stabilisation-rétention prothétique et la résistance des matériaux sont des facteurs mécaniques décisifs sur le pronostic des restaurations fixées. En dentisterie classique, on peut considérer empiriquement que la hauteur des piliers conventionnels des couronnes doit être supérieure à environ 4 mm. En revanche, la hauteur de la couronne ne dépassera pas la hauteur de l’ancrage radiculaire dans l’os. L’analyse millimétrée prendra en compte les hauteurs disponibles postérieures et antérieures. La tige antérieure graduée de l’articulateur permet l’évaluation quantitative des variations envisagées de la DVO. Pour une même valeur angulaire, il faut tenir compte des variations linéaires générées au niveau des secteurs observés (molaires, incisives ou table antérieure). Cette estimation est généralement permise par la « règle des tiers », simplification suffisante du calcul trigonométrique [17, 19, 20] (fig. 12).

Pour une même variation de DVO, les variations de hauteur au niveau molaire, incisif et tige antérieure sont proportionnelles : l’augmentation de la tige antérieure de 3 mm correspond à une augmentation de 2 mm au niveau incisif et de 1 mm sur les molaires [4, 21].

Mais il ne suffit pas de définir globalement une hauteur intermaxillaire disponible, encore faut-il la répartir entre les dents maxillaires et les dents mandibulaires. C’est la situation du plan d’occlusion (surtout de la courbe de Spee) qui décide de cette répartition (fig. 13).

Le choix du rayon de la courbe de Spee décide de la répartition de la DVO thérapeutique entre les hauteurs coronaires maxillaires et mandibulaires.

Le dessin du plan occlusal (rayon et situation de la courbe de Spee) répartira la hauteur disponible pour les couronnes maxillaires et pour les couronnes mandibulaires. La matérialisation de la courbe de Spee sur la téléradiographie ou sur l’articulateur est nécessaire. Si la hauteur prothétique disponible est insuffisante, elle pourra parfois être augmentée aux dépens du parodonte par élongation coronaire chirurgicale. Le choix se fera entre une stabilité mécanique suffisante de la couronne et un rapport couronne-racine favorable. Ainsi, cette étape de réflexion prendra en compte les hauteurs coronaires maxillaires et mandibulaires envisagées et les rapports couronne/racine.

4-2.1.2 La relation occlusale antérieure

Le recouvrement incisif est en moyenne de 3 à 4 mm et le surplomb incisif moyen est de 2 à 3 mm dans les populations actuelles. L’obtention ou le maintien de contacts antérieurs fonctionnels et d’un guidage antérieur est l’un des principaux objectifs du traitement prothétique pour éviter les interférences occlusales postérieures et faciliter la cinématique mandibulaire [22]. Les modifications de la DVO influencent directement les relations antérieures occlusales, de sorte que les objectifs antérieurs seront un critère principal de choix de la DVO thérapeutique (fig. 14).

Principe : augmenter la DVO provoque une augmentation du surplomb et une diminution du recouvrement (Orthlieb et al., 2002).

Il y a donc un feu vert pour augmenter la DVO en cas de recouvrement incisif excessif ou de surplomb incisif insuffisant. Inversement, diminuer la DVO augmentera le recouvrement incisif insuffisant et diminuera le surplomb incisif excessif. L’évaluation sur articulateur, analogique ou virtuel, reste extrêmement intéressante par rapport à la simple appréciation clinique.

De même, l’augmentation de la DVO permettra de diminuer une classe 3 squelettique, mais aggravera une classe 2 squelettique. À l’inverse, la réduction de la DVO diminuera une classe 2 squelettique, mais aggravera une classe 3 squelettique. Il semble logique que les nouvelles DVO générées par le traitement thérapeutique n’aggravent pas une dysmorphie squelettique, mais tendent plutôt à la compenser.

4-3. Rationnel de décision

En synthèse : il est possible de jouer avec la DVO en particulier pour gagner de la place pour loger les éléments prothétiques et augmenter leur résistance mécanique. L’étude sur articulateur est irremplaçable pour évaluer directement l’influence des variations de DVO sur les hauteurs verticales prothétiques postérieures et antérieures disponibles, puis sur leurs conséquences au niveau des relations occlusales antérieures (recouvrement, surplomb) (fig. 15).

Face à de nombreux paramètres, il est souvent utile de disposer d’un schéma permettant, pour un patient donné, de matérialiser les différents facteurs influençant le choix de la DVO (algorithme) et ainsi d’orienter le chemin de la décision. Dans ce numéro, cet algorithme sera décrit dans un autre article illustrant les applications cliniques.

Un rationnel de décision est proposé en cinq étapes :

1- Les indicateurs généraux (aspect esthétique du profil, typologie squelettique, ATM) donnent des informations globales.

2- L’espace prothétique est l’élément majeur de décision : il est évalué au niveau antérieur et postérieur suivant la répartition distribuée par la courbe de Spee, compte tenu des impératifs mécaniques coronaires ou radiculaires.

3- À la hauteur prothétique envisagée, ses conséquences sur la relation occlusale des dents antérieures sont analysées (surplomb, recouvrement) pour vérifier la possibilité d’établir une fonction de guidage optimisée.

4- La proposition issue des indicateurs dentaires est confrontée à ses conséquences sur le plan d’occlusion, sur la typologie squelettique, sur la fermeture labiale et sur l’esthétique.

5- Les données précédentes sont confrontées à l’invasivité du traitement envisagé pour finalement conduire à la décision de la DVO thérapeutique. Tout surtraitement invasif sera rejeté.

 

Conclusion

La Dimension Verticale d’Occlusion représente la hauteur de la partie inférieure de la face. Elle résulte, chez l’adulte, de l’équilibre entre des forces antagonistes : les forces éruptives naturelles des dents et les pressions occlusales résultant de la confrontation des dents. Ainsi, sauf érosions excessives et rapides, les usures occlusales sont naturellement compensées par l’égression naturelle. Pour diagnostiquer une perte de DVO, il faut observer une perte de support occlusal postérieur simultanée à une perte de support occlusal antérieur. Dans le sens vertical, il existe une grande capacité d’adaptation du système masticateur, laissant au praticien une marge de manœuvre appréciable. En prothèse fixée, les vrais critères pour choisir la DVO thérapeutique seront la hauteur occlusale postérieure et la relation occlusale antérieure. Concernant la prothèse complète adjointe, l’évaluation esthétique jouera un rôle majeur.

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L’occlusion en prothèse quotidienne

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À propos des auteurs

Docteur en chirurgie dentaire

                      & Dr Jean-Philippe Ré

  • Occlusion

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Dernière mise à jour le 13 février 2024