Inlays, onlays, overlays du direct à l’indirect : comment définir l’indication ?

Inlays, onlays, overlays… Et si l’avenir de l’odontologie conservatrice passait par ces restaurations partielles collées ? Le collage nous a affranchis des principes, souvent invasifs, de rétention mécanique et l’essor des procédés numériques (caméras, scannage, blocs à usiner…) simplifie et démocratise de plus en plus la réalisation de ces pièces prothétiques. Il existe toutefois une multitude de difficultés sur lesquelles nous butons parfois dans notre pratique clinique, car la réussite du collage exige un protocole très technique et rigoureux incluant une bonne connaissance de la biomécanique et des biomatériaux dentaires. Par ailleurs, les indications des inlays/onlays sont parfois floues et l’ensemble des publications scientifiques, loin d’attirer le praticien vers ces techniques, semble parfois l’en éloigner au vu de l’ensemble des pièges cliniques à éviter ou à résoudre. Enfin, le contexte financier a longtemps été particulièrement défavorable à ces restaurations partielles au profit des restaurations périphériques plus invasives et farouchement ancrées dans nos habitudes et dans notre enseignement universitaire. Il semble pourtant que nous commencions enfin à être entendus sur les progrès du collage ainsi que les avantages biologiques et biomécaniques de la préservation tissulaire, et les pouvoirs publics ont apparemment entériné dans la nomenclature les bénéfices à long terme de ces restaurations partielles collées. Ce changement de paradigme doit donc nous pousser à cesser de systématiser les couronnes périphériques scellées, les reconstitutions corono-radiculaires, voire les pulpectomies préventives au profit des concepts très contemporains de « no post, no crown » pour une dentisterie plus biologique, plus esthétique et surtout plus pérenne. Dans ce contexte, il nous a paru intéressant de répondre aux questions les plus fréquentes que nous pouvons être amenés à nous poser lorsque nous décidons la réalisation d’un inlay/onlay à travers la création de cette rubrique. Charles Toledano

Ce premier article fait le point sur les indications de ces restaurations car, si nous n’hésitons pas
à réaliser des composites directs dans les cavités réduites et des restaurations indirectes dans les cavités volumineuses, le choix est souvent plus délicat dans les cavités de volume moyen où les deux options thérapeutiques trouvent souvent leurs arguments respectifs. Dans le prochain numéro, nous nous intéresserons aux indications de conservation ou de recouvrement des parois résiduelles.

Nous disposons de deux approches pour rétablir l’intégrité biologique, mécanique et esthétique d’une dent délabrée : l’approche directe ou indirecte.

Rien n’est clairement tranché quant à ce choix [1-6] car quatre récentes méta-analyses bibliographiques confirment qu’il n’y a pas de différence de longévité entre les restaurations en composite directes et indirectes, indépendamment du matériau et de la dent restaurée [2, 3, 5, 6]. Les figures 1 à 6 présentent une situation clinique avec des pertes de substance de volume moyen restaurées en méthode directe. Nous allons essayer de justifier le passage de la technique directe à la technique indirecte qui fait intervenir un grand nombre de paramètres [7, 8].

Le volume de tissu dentaire

La prise de décision entre restauration directe et indirecte est généralement liée au volume de tissu dentaire à reconstituer : il est souvent préconisé d’envisager une approche directe pour les cavités de petites et de moyennes tailles et une technique indirecte pour les cavités plus volumineuses. Mais qu’est-ce qu’une cavité volumineuse et pourquoi les restaurations directes sont-elles moins performantes lorsqu’il s’agit de soigner une dent présentant une large cavité ?

De nombreuses études attestent du lien étroit entre perte de substance et résistance mécanique de la dent [9]. Certains éléments anatomiques tels que le pont d’émail et les crêtes marginales sont particulièrement importants car ils participent directement au maintien de la résistance mécanique d’une dent [10]. Le risque mécanique sera par ailleurs augmenté pour les prémolaires et molaires mandibulaires ainsi que les prémolaires maxillaires [11]. Les études montrent également qu’en cas de perte d’une ou de plusieurs de ces poutres de résistance, la solidité des parois restantes dépendra du rapport entre leur épaisseur et hauteur et donc de leur capacité à contenir les contraintes exercées [12]. Il est entendu que la contrainte en question sera d’intensité différente selon le matériau de restauration utilisé, lui aussi capable d’en absorber une partie avant de transmettre le reste aux parois qui la contiennent.

L’évaluation du type de dent, de sa localisation maxillaire ou mandibulaire, et de la présence ou non des crêtes marginales et du pont d’émail est donc fondamentale pour évaluer la résistance biomécanique d’une dent.

Les dents dépulpées présentent encore d’autres éléments spécifiques comme la perte d’élasticité [13], la déshydratation [14], la profondeur de la cavité d’accès [15] et le maintien ou non de la chambre pulpaire [16]. Ces paramètres viennent aggraver le risque biomécanique encouru par la dent en occlusion et, à nouveau, le matériau choisi devra pouvoir absorber un maximum de forces et les parois résiduelles devront être suffisamment résistantes pour contenir les contraintes auxquelles elles seront soumises.

Pour la dent dépulpée, à moins d’une simple cavité d’accès où une restauration directe sera suffisante [10, 17], la plupart des cas nécessiteront une approche indirecte avec recouvrement cuspidien pour limiter le risque de fracture radiculaire dans le temps [9, 18, 19].

Les matériaux

Un composite de restauration par technique directe présente un taux de conversion des monomères nettement inférieur à celui d’un composite de laboratoire. Son module d’élasticité sera ainsi toujours plus faible qu’un composite de laboratoire ou qu’un bloc composite à usiner. Tous ces composites ont eux-mêmes un module d’élasticité plus faible qu’une céramique. Or, à contrainte égale, plus le module d’élasticité est élevé, moins le matériau subira de déformation [20]. Ainsi, pour les larges cavités de classe II et surtout de classe III, aux parois résiduelles fines, il sera toujours préférable de faire appel à une technique indirecte voire d’orienter son choix de matériau vers une céramique vitreuse type disilicate de lithium [21]. Ceci sera d’autant plus nécessaire lors de la reconstitution d’une ou plusieurs cuspides, indiquant alors la réalisation d’un onlay ou overlay en céramique.

Le stress de la polymérisation

La contraction de polymérisation d’un composite direct entraîne un stress (contrainte) transmis à l’interface. Et, plus le volume de matériau nécessaire à la restauration d’une cavité est important, plus la contraction de prise du composite sera forte [22, 23]. La conséquence clinique directe est un risque élevé de décohésion à l’interface entre la couche hybride et la dentine aboutissant à des sensibilités postopératoires [24], des fêlures voire des fractures de l’émail bordant la restauration [22] et une percolation bactérienne entraînant des caries secondaires.

Ainsi, quelle que soit la technique de montage du composite, il peut être préférable de faire appel aux restaurations indirectes collées pour des cavités volumineuses de classe II, occluso-mésiale ou occluso-distale. Ce sera l’option de choix pour les cavités mésio-occluso-distales profondes et larges [11, 25].
L’assemblage d’une restauration indirecte aura pour avantage de limiter le retrait et donc le stress de polymérisation au joint de colle avec des conséquences cliniques nettement diminuées [26].

La limite cervicale

La position de cette limite joue un rôle sur l’étanchéité de l’interface dent/restauration et va également conditionner le type de préparation qu’il sera possible d’effectuer. Alors que les restaurations directes nécessitent une épaisseur d’émail minimale de 1 mm en cervical avec une limite chanfreinée, les restaurations indirectes ne nécessitent que 0,5 mm pour une étanchéité satisfaisante [27, 28]. Or, plus la limite cervicale est profonde, plus l’épaisseur d’émail diminue et donc plus une technique indirecte sera préférable.

La finition de la limite est aussi un facteur déterminant. Lors de limites cervicales très profondes, même pour une cavité deux faces paraissant de faible volume, une restauration indirecte pourrait aussi être une solution de choix pour garantir une bonne stabilité du joint dans le temps [27, 28].

Les objectifs fonctionnels

La réalisation d’un point de contact de qualité en composite direct peut souvent s’avérer ardue et nécessite l’utilisation de matrices métalliques prégalbées associées à des anneaux écarteurs.
La mise en œuvre de ces restaurations au laboratoire peut grandement simplifier la réussite clinique en présence de plusieurs cavités contiguës volumineuses. L’approche indirecte permettra en outre un travail plus précis de la morphologie et de l’état de surface.
Les figures 7 à 10 présentent une situation clinique où techniques directe et indirecte sont utilisées sur un même quadrant. Enfin, les figures 11 à 14 illustrent des pertes de substance moyennes à importantes restaurées par des restaurations indirectes en céramique.

Conclusion

Le bon choix consiste à opter pour l’approche qui permettra une restitution esthétique mais surtout fonctionnelle et durable en garantissant la résistance mécanique de la restauration et de la dent sans symptomatologie. Pour cela, il est nécessaire d’évaluer le volume à reconstituer, la situation occlusale [29], le nombre de crêtes et de points de contact à reconstituer et la situation de la limite cervicale.

La technique directe, moins onéreuse et plus rapide, est très opérateur-dépendante et le choix d’une restauration partielle indirecte collée, même si elle sera soumise aussi à des protocoles stricts et rigoureux, peut diminuer les risques de sensibilités postopératoires et de récidives carieuses dans les cavités volumineuses.

 

Vous avez aimé cet article ? 
Approfondissez la thématique des lésions endo-parodontales en suivant la formation du Dr Ali SALEHI & François REITZER : Restaurations postérieures

 

 

Bibliographie

  1. Mendonca JS, Neto RG, Santiago SL, Lauris JR, Navarro MF, de Carvalho RM. Direct resin composite restorations versus indirect composite inlays: one-year results. J Contemp Dent Pract 2010;11(3):025-32.
  2. Angeletaki F, Gkogkos A, Papazoglou E, Kloukos D. Direct versus indirect inlay/onlay composite restorations in posterior teeth. A systematic review and meta-analysis. J Dent 2016;53:12-21. 
  3. da Veiga AM, Cunha AC, Ferreira DM, da Silva Fidalgo TK, Chianca TK, Reis KR, Maia LC. Longevity of direct and indirect resin composite restorations in permanent posterior teeth: a systematic review and meta-analysis. J Dent 2016;54:1-12. 
  4. Dhadwal AS, Hurst D. No difference in the long-term clinical performance of direct and indirect inlay/onlay composite restorations in posterior teeth. Evid Based Dent 2017;18(4):121-2. 
  5. Azeem RA, Sureshbabu NM. Clinical performance of direct versus indirect composite restorations in posterior teeth: a systematic review. J Conserv Dent 2018;21(1):2-9. 
  6. Shu X, Mai QQ, Blatz M, Price R, Wang XD, Zhao K. Direct and indirect restorations for endodontically treated teeth: a systematic review and meta-analysis, IAAD 2017 Consensus Conference Paper. J Adhes Dent 2018;20(3):183-194. 
  7. Dahan L, Raux F. Pourquoi et quand faire un inlay-onlay ? Inf Dent 2010;92(34):??-??. 
  8. Smithson J, Newsome P, Reaney D, Siobhan O. Direct or indirect restorations? International Dentistry – African Edition 2011;1(1):70-80. 
  9. Reeh ES, Douglas WH, Messer HH. Stiffness of endodontically-treated teeth related to restoration technique. J Dent Res 1989;68(11):1540-4. 
  10. Plotino G, Grande NM, Isufi A, Ioppolo P, Pedullà E, Bedini R, Gambarini G, Testarelli L. Fracture strength of endodontically treated teeth with different access cavity designs. J Endod 2017;43(6):995-1000. 
  11. Dietschi D. Restaurations esthétiques collées composite et céramiques dans les traitements esthétiques des dents postérieures. Quintessence International, 1997, 216 p. 
  12. Chai H, Lawn BR. Fracture resistance of molar teeth with mesial-occlusal-distal (MOD) restorations. Dent Mater 2017;33(7):e283-e289. 
  13. Johnson JK, Schwartz NL, Blackwell RT. Evaluation and restoration of endodontically treated posterior teeth. J Am Dent Assoc 1976;93(3):597-605. 
  14. Rosen H. Operative procedures on mutilated endodontically treated teeth. J Prosthet Dent 1961;11(5):973-86. 
  15. Madison S, Wilcox LR. An evaluation of coronal microleakage of endodontically treated teeth. Part III. In vivo study. J Endod 1988;14(9):455-8. 
  16. Assif D, Nissan J, Gafni Y, Gordon M. Assessment of the resistance to fracture of endodontically treated molars restored with amalgam. J Prosthet Dent 2003;89(5):462-5. 
  17. Hernandez R, Bader S, Boston D, Trope M. Resistance to fracture of endodontically treated premolars restored with new generation dentine bonding systems. Int Endod J 1994;27(6):281-4. 
  18. Goerig AC, Mueninghoff LA. Management of the endodontically treated tooth. Part II: Technique. J Prosthet Dent 1983;49(4):491-7. 
  19. Frankenberger R, Zeilinger I, Krech M, Mörig G, Naumann M, Braun A, Krämer N, Roggendorf MJ. Stability of endodontically treated teeth with differently invasive restorations: adhesive vs. non-adhesive cusp stabilization. Dent Mater 2015;31(11):1312-20. 
  20. Dejak B, Mlotkowski A. Three-dimensional finite element analysis of strength and adhesion of composite resin versus ceramic inlays in molars. J Prosthet Dent 2008;99(2):131-40. 
  21. Ausiello P, Ciaramella S, Martorelli M, Lanzotti A, Gloria A, Watts DC. CAD-FE modeling and analysis of class II restorations incorporating resin-composite, glass ionomer and glass ceramic materials. Dent Mater 2017;33(12):1456-65. 
  22. Feilzer AJ, De Gee AJ, Davidson CL. Setting stress in composite resin in relation to configuration of the restoration. J Dent Res 1987;66(11):1636-9. 
  23. Feilzer AJ, De Gee AJ, Davidson CL. Curing contraction of composites and glass-ionomer cements. J Prosthet Dent 1988;59(3):297-300. 
  24. Brännström M, Lindén LA, Aström A. The hydrodynamics of the dental tubule and of pulp fluid. A discussion of its significance in relation to dentinal sensitivity. Caries Res 1967;1(4):310-7. 
  25. Ausiello P, Ciaramella S, Fabianelli A, Gloria A, Martorelli M, Lanzotti A, Watts DC. Mechanical behavior of bulk direct composite versus block composite and lithium disilicate indirect Class II restorations by CAD-FEM modeling. Dent Mater 2017;33(6):690-701. 
  26. Dejak B, Mlotkowski A. A comparison of stresses in molar teeth restored with inlays and direct restorations, including polymerization shrinkage of composite resin and tooth loading during mastication. Dent Mater 2015;31(3):e77-87. 
  27. Dietschi D, Scampa U, Campanile G, Holtz J. Marginal adaptation and seal of direct and indirect Class II composite resin restorations: an in vitro evaluation. Quintessence Int 1995;26(2):127-38. 
  28. Poojary PK, Bhandary S, Srinivasan R, Nasreen F, Pramod J, Mahesh M. Influence of restorative technique, Bevelling and aging on composite bonding to sectioned incisal edges: A comparative in vitro study. J Conserv Dent 2013;16(1):28-31. 
  29. Ausiello P, Ciaramella S, Garcia-Godoy F, Martorelli M, Sorrentino R, Gloria A. Stress distribution of bulk-fill resin composite in class II restorations. Am J Dent 2017;30(4):227-32.

 

À propos des auteurs

Dr Charles TOLEDANO
Docteur en chirurgie dentaire

Dr Ali SALEHI
Docteur en chirurgie dentaire

Dernière mise à jour le 13 février 2024